Jusqu’au Consulat, le système bancaire centralisé en France est quasiment inexistant. Depuis la chute du système Law en 1720, aucune nouvelle tentative de banque nationale n’a été couronnée de succès. Seule la Révolution a tenté de mettre en place une monnaie fiduciaire, les assignats. Mais ces titres d’emprunt, émis sur le Trésor à partir de 1789, ne parviennent pas à faire oublier les nombreuses monnaies encore en cours et, surtout, la confiance (indispensable à toute stabilité) n’est pas au rendez-vous.
Lorsque Bonaparte prend le pouvoir en Brumaire, l’une de ses premières créations est justement de créer une « banque de France ». Le 6 janvier 1800 (16 nivôse an VIII) les statuts sont approuvés et l’institution contribue à accélérer la remise en ordre du pays.
Bonaparte lui accorde ensuite le monopole de l’émission des billets de banque, ce qui contribue à centraliser la puissance bancaire et à asseoir une puissance jamais démentie depuis.
La fusion de la banque avec la Caisse des comptes courants et le dépouillement de 5 millions à la Caisse d’amortissement, parallèlement à la création du franc germinal, ouvrent une nouvelle ère. Parmi les autres attributions, les fonds de réserve de la loterie nationale et de l’octroi de Paris complètent un ensemble cohérent.
Parmi les premiers participants à cette vaste opération, Lecouteulx de Canteleu et Perrégaux sont choisis pour leur implication dans le coup d’État, « compatibilité » politique indispensable à toute mise en place pérenne. Et preuve de la confiance accordée, le Premier consul et plusieurs membres de sa famille se portent acquéreurs de nombreuses actions de la banque. En avril 1806, une loi fixe les nouvelles directives et permet à Napoléon de rappeler ses missions : « La Banque de France n’appartient pas seulement aux actionnaires, mais aussi à l’État puisqu’il lui donne le privilège de battre monnaie… Je veux que la Banque soit assez dans les mains du gouvernement et n’y soit pas trop ».
Un gouverneur et deux sous-gouverneurs en prennent la direction. La Banque s’installe à l’hôtel de Toulouse, au centre de Paris. Mais après la Restauration, la Monarchie de Juillet et la Seconde République, la Banque de France est accusée de favoriser l’accession au pouvoir d’un nouveau Bonaparte, Louis-Napoléon, gage de stabilité.
À cette époque, elle possède un capital de « 91 250 000 francs divisé en actions au nominal de 1 000 francs » lesquelles, sous le Second Empire, seront valorisées du triple de leur valeur.
Parmi les principaux actionnaires, appelés aussi représentants des « 200 familles », on compte des membres de la noblesse d’Empire (Berthier, Cambacérès, Lebrun, Oudinot) ou d’Ancien Régime (Talleyrand et Montesquiou) auxquels s’ajoutent les industriels et financiers du temps. À cette époque, le siège est agrandi et prend place dans deux nouveaux bâtiments, situés rue Croix-des-Petits-Champs. Les billets de banque, auparavant limités à 1 000, 500, 200 et 100 F, se voient complétés d’un « 50 F » en 1857. Après les absorptions de neuf banques départementales, en 1848, Napoléon III a signé la prolongation de son privilège jusqu’en 1897 et, suite à l’affaire de la banque de Savoie en 1863, le monopole d’émission est définitivement acté. Concernant le taux d’escompte, celui-ci varie 4,5 à 8 % de 1860 à 1865 et le volume du papier « dépasse les 6 milliards en 1869 ».
À la fin du règne, les succursales sont au nombre de soixante et la Banque de France s’occupe désormais de nouveau services, « en particulier pour la garde des titres mobiliers ». Ainsi, tandis qu’elle était sous Napoléon Ier « un institut d’émission, qui réservait ses crédits à quelques grands banquiers », elle est progressivement devenue sous le neveu « une banque centrale, qui offre aux Français un moyen de paiement sûr, rapidement convertible en or ou en argent ».
David Chanteranne
Bibliographie :
Alfred Fierro, André Palluel-Guillard et Jean Tulard, Histoire et dictionnaire du Consulat et de l’Empire, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1995.
Alain Plessis et Romuald Szramkiewicz, « La Banque de France », Dictionnaire du Second Empire, sous la direction de Jean Tulard, Paris, Fayard, 1995.