Napoléon et la Catalogne
Du soupçon d’annexion à l’invasion
Napoléon Ier ne fut pas le seul à penser à porter le fer et le feu en Catalogne et y ravivant les valeurs républicaines et indépendantistes afin d’opposer le Principat radicalement à Madrid. Ce qu’il fera plus tard sous l’incitation et les conseils tendancieux de Talleyrand.
(Extrait Napoléon 1er – Revue du Souvenir Napoleonien N°94 )
Avant lui, les Révolutionnaires avaient songé à exporter leurs « Lumières » vers cette province espagnole au nationalisme épidermique. De quoi pousser les avantages militaires du Général Dugommier dont les troupes avaient résisté et repoussé dans le sud-est l’incursion espagnole menée par le Général Ricardos en juin 1794.
L’invasion de la Catalogne et sa soumission au pouvoir impérial furent planifiées dans le plus grand secret mais pour des résultats très aléatoires tant en pertes humaines qu’en rayonnement d’un Empire finissant.
La République catalane, une idée révolutionnaire
A Paris, à la même époque, les Révolutionnaires s’agitent et cogitent. Le Comité de salut public examine le 7 prairial an II un projet visant à former une République indépendante en Catalogne. Les conditions géopolitiques et les intérêts économiques convergent et semblent alors idéales.
Il faut mettre à profit la crise socio-économique et politique dans laquelle est plongée la monarchie espagnole pour « libérer » cette province étrangère dont la prospérité économique aiguise déjà les appétits. Le commerce florissant avec les colonies espagnoles entretient un climat propice à l’esprit d’entreprise et suscite une industrialisation de la région jusque-là inédite.
Trois autres textes étudient une possibilité d’intervention armée aux contours encore flous:
- Le manifeste que le général en chef de la République française fait aux bons et véritables Catalans du 7 février 1793.
- Un mémoire sur la Catalogne envoyé par le Général Dugommier au Comité de Salut public en date du 12 mai 1794.
- Proclamation de juin 1794 publiée à Perpignan.
Dans l’esprit des Révolutionnaires, plusieurs thèses se font jour et sont débattues. Celle de l’annexion pour instaurer à Barcelone une dictature révolutionnaire. L’objectif de cette option est de faire la guerre aux Bourbons et à la coalition afin d’affaiblir la monarchie régnante à Madrid.
Mais c’est plutôt vers une guerre de propagande que s’oriente Paris : exporter « la guerre de la liberté » en stimulant les droits catalans.
D’ailleurs, après les défaites espagnoles des 30 avril et du 6 mai 1794, la Catalogne devient « mûre » pour tomber dans l’escarcelle de la Révolution selon nos stratèges.
La société catalane n’est-elle pas gagnée par des idées d’égalité et de partage des biens des riches ?
Pourtant, le terrain se révèle plus fragile et plus risqué pour les intérêts français que l’apparence donne à le croire. Et l’ambassadeur Chandreau en poste à Madrid, ne manque pas de le rappeler et de faire les mises en garde d’usage :
« Les apôtres de la Révolution seraient mal reçus à Barcelone ».De fait, des sentiments antifrançais dus à la Guerre de Succession (1700-1714) sont encore vivaces.
Alors, Paris fait assaut de promesses en direction de Barcelone à laquelle elle propose pêle-mêle des réductions d’ impôts, des financements spécifiques et surtout la reconnaissance des droits historiques catalans avec lesquels Madrid joue impunément depuis des décennies.
En appelant de leurs vœux la création d’une « République sœur », les Français ne veulent plus être des conquérants en Catalogne. Ils reconnaissent que cette dernière doit être « indépendante et heureuse ». Ils entendent plutôt inciter les Catalans à la Révolution et à la propagande dont une timide manifestation sur place se caractérise par la plantation d’un arbre de la Liberté aux cris de « Vive la République ».
Chez les Révolutionnaires, on souhaite volontiers « restituer ce précieux bijou à la liberté ».
Hélas, un banal guet-apens mettra fin à cette lune de miel naissante. Le mot d’ordre est donné aux troupes françaises de ne plus distinguer les Catalans des Espagnols.
Ainsi, comme le constate l’historien Lluis ROURA de l’Université de Barcelone : « Les évènements de France n’ont donc apporté ni la République ni la Révolution en Catalogne. »
Les armées révolutionnaires après cet épisode catalan, vont être appelées sur bien d’autres champs de bataille en Europe.
Mensonges et bruits de bottes
C’est en 1807 que la question catalane est relancée. Napoléon Ier se méfie de l’Espagne et de la duplicité de son « Prince de la paix » le premier ministre Godoy, soupçonné de vouloir rejoindre la coalition (anglo- prussienne-russe) à laquelle il s’oppose. Il lui faut donc s’emparer et dépecer le Portugal en partie au profit de l’Espagne pour mieux atteindre l’Angleterre et pour ce faire, passer par l’Espagne liée à l’Empire par une convention militaire annexée au Traité de Fontainebleau du 27 octobre 1807.
Par ailleurs, le choix de la Catalogne comme ballon d’essai s’impose à lui.
Le ministre des relations extérieures Talleyrand pousse l’Empereur à occuper la Catalogne comme il le reconnaît dans ses « Mémoires » : « Je lui conseillai de faire occuper la Catalogne jusqu’à ce qu’il parvienne à faire la paix maritime avec l’Angleterre. »
L’ordre impérial du 11 novembre 1807 est donné d’armer les places militaires des frontières d’Espagne et de faire fabriquer du biscuit pour l’alimentation des troupes.
30 000 hommes prennent ensuite la route de Barcelone avec à leur tête le Général Duhesme. C’est le fait accompli et le renversement des alliances qui décideront du sort des plans napoléoniens.
Jean-Bernard PAILLISSER
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